Depuis cet été 2022, tous les nouveaux modèles décrochent leur homologation à condition d’embarquer une prétendue “boîte noire”. De quoi craindre d’être perpétuellement traqué, jusque dans sa propre voiture. Ceci dit, il est grand temps de s’en inquiéter !
Même si ce choix leur était offert, parions qu’il y aurait assez peu de passagers à militer pour le retrait des boîtes noires des avions sous prétexte de la préservation de leur vie privée ou de celle de l’équipage. Curieusement, l’installation d’un dispositif équivalent à bord de nos voitures semble en revanche poser question à de nombreux automobilistes.
C’est bien légitime d’un certain point de vue. Tout modèle nouvellement homologué après ce 6 juillet 2022 doit en effet être en mesure d’enregistrer puis de mettre à disposition aux personnes autorisées une série de données de conduite. Une contrainte qui doit ensuite se généraliser à l’ensemble des voitures neuves vendues sur notre continent à partir du 7 juillet 2024.
Enoncée de la sorte, le dispositif, imposé par le règlement 2019/2144 des Parlement et Conseil européens et qui ne peut être désactivé, laisse forcément penser que nos gouvernants et autres institutions disposent d’un nouveau moyen de scruter nos faits et gestes jusque derrière le volant. Le célèbre roman 1984 de George Orwell apparaît plus que jamais prophétique.
Mais il convient de replacer le contexte. Il est stipulé noir sur blanc dans la loi que ledit “enregistreur de données d’événement” se destine uniquement (au moins pour le moment) à mémoriser les paramètres critiques dans des circonstances précises ; celles d’un accident.
Le législateur suggère en l’occurrence que le déclenchement de l’un des airbags pourrait faire office de repère temporel. Car d’après l’administration française, l’enregistrement n’intervient que dans un intervalle bien défini ; il débuterait 30 secondes avant le choc puis prendrait fin 10 secondes après grâce à une mémoire tampon. Le reste du temps, les données seraient perpétuellement “écrasées”, selon le principe de fonctionnement de beaucoup de systèmes de vidéosurveillance, entre autres exemples.
La mesure ne signifie pas non plus que votre voiture écoute vos conversations. Au contraire, les informations retenues se cantonnent essentiellement à la vitesse du véhicule, à sa position dans l’espace, au degré d’activation du système de freinage et des différentes assistances à la conduite.
Ces données doivent permettre au passage de renseigner la marque, le modèle, la version et le niveau d’équipement sécuritaire du véhicule. Mais l’Europe indique que l’enregistreur doit maintenir le secret sur les quatre derniers chiffres du numéro de série ou toute autre information qui pourrait permettre d’identifier une voiture en particulier ou son propriétaire. Enfin, toujours selon les textes, l’accès aux données se limite aux autorités d’un Etat de l’Union, seulement dans un but de recherche et d’analyse des accidents.
Il n’est donc pas prévu pour l’instant que votre assureur s’emmêle dans l’espoir de faire l’économie de dédommagements et d’indemnités en cas de mauvaise conduite. Non, cet enregistreur tant suspecté ne signifie pas à ce stade que nos voitures nous espionnent. Enfin, pas plus qu’elles ne le faisaient déjà !
Comme nous le confie Renault, le dispositif ne nécessiterait pas l’installation d’un boîtier “physique” supplémentaire pour ce qui concerne sa gamme. Preuve qu’à travers le terme “boîte noire” ne se dissimule qu’une nouvelle fonction de mémorisation parmi celles que nos créatures à quatre roues possédaient déjà grâce à leurs nombreux cerveaux électroniques.
Depuis le début des années de 2000 et l’accélération de son informatisation, le secteur automobile engrange énormément de données en tout genre. Un phénomène qui ne cesse de s’amplifier avec l’arrivée à bord des connexions internet à haut débit et d’assistants vocaux personnels. Notamment ceux de petites “boîtes” qui montent et pas franchement reconnues pour leur transparence, telles qu’Amazon et Google.
Fin 2019 déjà, un journaliste du Washington Post faisait volontairement “hacker” une Chevrolet Volt pour y découvrir que la voiture stocke, entre autres, les coordonnées des destinations atteintes via le GPS, les identifiants des téléphones appairés à l’interface multimédia, l’historique des appels, des emails, voire des photos personnelles… De quoi reconstituer un large pan de la vie de n’importe quel inconnu.
Rien ne démontre aujourd’hui que les constructeurs ou qu’un tiers exploitent réellement nos données personnelles. Mais ne rien prouve non plus qu’ils ne le font pas. Surtout après que chacun d’entre nous ait signé leur politique de confidentialité aussi limpides que de l’égyptien antique.
source : www.auto-moto.com